BRUXELLES 22/01 – Dr Annelies Moons, médecin généraliste :
« Combattre les maladies de civilisation, on peut aussi le faire autrement. Les médicaments n’ont encore jamais guéri un patient atteint d’un diabète, d’une maladie coronarienne ou d’une hypertension. »
Pfizer a décidé de mettre un terme à sa quête de nouveaux médicaments contre la maladie d’Alzheimer. Limiter la consommation de polluants toxiques liposolubles, que nous absorbons principalement par l’intermédiaire des graisses animales présentes dans notre alimentation, est probablement le moyen le plus efficace de prévenir l’Alzheimer, le Parkinson, une foule de cancers et bien d’autres maladies de civilisation.
Éviter de consommer des produits d’origine animale riches en graisses saturées abaisserait aussi de façon spectaculaire l’incidence des maladies cardiovasculaires, débouchant nos vaisseaux sanguins, améliorant l’irrigation de notre cerveau et notre fonction rénale et rayant purement et simplement de la carte le diabète de type 2 non-insulinodépendant. Les protéines animales sont responsables d’une acidose métabolique, ce qui débouche au final sur une hyperuricémie, un risque cardiovasculaire accru et une perte de calcium à travers les urines.
Le possible lien entre la BMAA (β-N-méthylamino-L-alanine), une neurotoxine produite par les algues bleues, et la SLA (la sclérose latérale amyotrophique, une maladie de paralysie qui ressemble à la maladie de Parkinson) est un exemple intéressant. Le secteur de l’élevage est responsable non seulement de l’émission d’une quantité de gaz à effet de serre équivalente à celle de tous les modes de transport réunis, mais elle joue également un rôle majeur dans le problème de l’eutrophisation. Les nitrates et phosphates présents dans le fumier des animaux et dans les alternatives artificielles utilisées dans la production du fourrage utilisé pour les nourrir aboutissent en effet dans les eaux de surface et, de là, dans les cours d’eau et les océans, provoquant une prolifération d’algues (notamment d’algues bleues) et, au final, l’apparition le long de nos côtes de zones « mortes » où il ne subsiste plus aucun poisson. Les poissons absorbent ces cyanobactéries, tandis que les requins stockent principalement la BMAA dans leurs nageoires.
Par le biais des eaux de surface, tous les polluants que l’être humain libère dans son environnement (y compris les métabolites de médicaments évacués dans les urines !) finissent par aboutir dans la mer, se lient aux lipides des animaux marins et se retrouvent sous la forme de farines de poisson dans les aliments pour bétail… et, de là, dans la viande et les produits laitiers. La semaine dernière encore, on parlait aux informations des microplastiques présents dans les dentifrices et cosmétiques qui se retrouvent finalement dans nos assiettes après un détour par les océans. Nous accumulons des substances liposolubles – PCB, perturbateurs endocriniens, ralentisseurs de combustion, pesticides, métaux lourds, etc. – dans nos propres graisses et dans notre cerveau et nous les transmettons à nos descendants in utero puis à travers le lait maternel.
Des substances carcinogènes, délétères pour le développement du système nerveux et la fertilité, toxiques pour le foie et la thyroïde. Proportionnellement à son poids, un enfant nourri au sein absorbe la plus haute dose de ralentisseurs de combustion de toute la population et le lait maternel humain contient plus de PCB que la viande, au point que des voix s’élèvent aujourd’hui – et à raison – pour limiter l’allaitement aux trois premiers mois de vie. On estime qu’il faudrait 30 à 40 ans pour éliminer complètement ces substances de notre organisme. Nous faisons tous de la bioaccumulation.
Il a été démontré qu’une alimentation équilibrée à base exclusivement de produits végétaux et comportant au maximum 10 à 15 % de lipides (principalement insaturés) peut également freiner la progression tumorale grâce à ses abondants apports en antioxydants et inhibiteurs naturels de l’angiogenèse.
La seule manière efficace de combattre les maladies de civilisation est de prendre le mal à la racine en s’attaquant à notre mode alimentaire erroné. Les médicaments n’ont encore jamais guéri personne d’un diabète, d’une maladie coronaire ou d’une hypertension. Toutes ces crasses chimiques dont le seul effet est finalement de prolonger l’existence empoisonnent notre planète, pour ne rien dire encore de leur coût pour notre système de santé.
Sachant qu’on estime qu’un décès sur trois est attribuable aux effets secondaires des médicaments, il y a de quoi s’interroger très sérieusement sur nos pratiques actuelles. Un passage à une « alimentation végétale complète » (« Whole Food Plant-Based Diet ») contenant le moins possible d’aliments transformés et pauvre en graisses a démontré sa capacité à faire rapidement disparaître l’hypertension, le diabète, les maladies coronaires et le surpoids.
Nous devons apprendre à remplacer les protéines animales par des légumineuses riches en protéines, qui constituent en outre une précieuse source de fibres (pour un microbiome intestinal sain) et de sucres lents (énergie). Une poignée de noix et une ou deux cuillerées de graines de lin brisées vous assureront un apport de « bonnes » graisses insaturées, les baies et des épices comme le curcuma contiennent de puissants antioxydants et les légumes-feuilles sont une source de NO qui leur assure une action vasodilatatrice. Notre organisme possède un formidable pouvoir de récupération, il suffit de lui donner la possibilité de l’utiliser en lui apportant les bons nutriments.
Renoncer aux produits animaux permettrait en outre de réduire considérablement l’émission de gaz à effet de serre, de nourrir ceux qui ont faim à travers le monde (7 kg de maïs et d’autres céréales utilisés pour nourrir le bétail donnent en bout de course 1 kg de viande !), de donner à l’écosystème des océans une chance de se rétablir et de consommer moins d’eau (1 kg de viande = 3 mois de douches).
Mon étude de littérature sur l’alimentation végétale a commencé par un article reçu du Pr Peter Clarys (VUB), consacré à l’acidification de l’organisme par la consommation de protéines animales. Début 2017, j’ai suivi la formation en ligné http://nutritionstudies.org/courses/plant-based-nutrition/ dispensée par T. Colin Campbell (Cornell University New York), qui se consacre depuis 30 ans à la recherche sur le lien entre alimentation et santé. Un chapitre était spécifiquement consacré aux lobbys de l’industrie et du monde politique, et cette formation m’a ouvert les yeux.
Nous, médecins, sommes formés pour être les pantins de l’industrie pharmaceutique. Notre formation n’aborde absolument pas la diététique, la clé de la prévention primaire – et, pour une large part, de la guérison – des maladies.
Les diététiciens aussi sont sponsorisés pour promouvoir la consommation de lait, de fromage et de yaourt dans le cadre d’une alimentation saine. Les industries du médicament, de la viande, des produits laitiers et des boissons gazeuses ont une influence colossale et se nourrissent toutes de l’homme malade, accro au sucre, à la viande et au fromage.
Être végétalien n’est toutefois pas une évidence, et ceux qui s’y essaient sont souvent considérés comme des excentriques. Les autres ne comprennent pas pourquoi nous nous battons avec tant de passion pour exiger davantage de droits pour les animaux et encore moins pourquoi il n’est pas évident, pour nous, de prendre place à une table où sont servis des produits d’origine animale. Pour moi, tout a commencé lors d’une action internationale contre les delphinariums organisée au pied de l’Atomium en juin 2014, pour être en paix avec ma conscience… et je fais aujourd’hui partie des nombreux activistes qui se battent avec passion pour les droits des animaux dans notre pays.
Je ne me suis jamais sentie aussi en forme, je déborde d’énergie et j’ai moins besoin de sommeil.
En avril, nous allons participer pour la première fois au Vegmed à Berlin, un congrès médical sur le thème de l’alimentation végétale et de la santé. Il existe déjà aux États-Unis une association de médecins qui organise notamment des congrès pour sensibiliser la profession, le Physicians Committee for Responsable Medicine, et l’Europe veut suivre. Le mouvement progresse partout dans le monde !
À propos de l’auteur
Le Dr Annelies Moons (UIA 1989) est généraliste à Hulshout et membre de DierAnimal. Elle a été secrétaire du cercle KDHO (Koninklijke Dokterskring Heist op den Berg en Omstreken) de 2002 à 2018.